Protéger les esturgeons, derniers dinosaures d’Europe
Les esturgeons peuplent notre planète depuis l’époque des dinosaures. Mais aujourd’hui, leur avenir n’est plus garanti : il s’agit du groupe d'espèces le plus menacé sur Terre. En cause : la surpêche, le commerce illégal de caviar et les perturbations de leur habitat. Mais on peut encore sauver les esturgeons ! Et dans le même temps, faire revivre nos rivières...
©Diergarde Blijdrop / WWF-Netherlands
Qui, en Europe, peut se vanter de n’avoir pas pris une ride en 200 millions d’années ? Peu d’espèces, à part l’esturgeon d’Europe (Acipenser sturio). Ce fossile vivant, qui peut atteindre cinq mètres de haut, vivre jusqu’à 100 ans et peser 360 kg, peuple encore les rivières du Bas-Danube en Europe. Depuis le temps des dinosaures, ce poisson sans écailles et à la tête en forme de bec, n’a pas beaucoup évolué…
Par contre, son environnement a beaucoup changé. Et aujourd’hui, tout ne baigne pas, pour l’esturgeon. Il est en danger critique d’extinction. Pour le sauver, il faut lutter contre le braconnage, et permettre à la rivière de regagner en diversité. L’avantage, c’est que restaurer son habitat, c’est aussi préserver notre avenir en Europe.
Le paradis du Danube menacé par les activités humaines
Le Danube, dans le "Coeur vert de l'Europe", parcourt 2 857 km, de la Forêt Noire à la Mer noire, et traverse 10 pays. C’est l'un des derniers endroits de l’esturgeon en Europe, où il peut encore migrer sur 800 km pour se reproduire.
Ces grandes zones naturelles abritent une faune riche et souvent menacée. On y trouve des mammifères bien connus comme les castors et les loutres, mais aussi des aigles à queue blanche, des cigognes noires et même de majestueux pélicans frisés.
Mais depuis 150 ans, les activités humaines abîment petit à petit ce dernier havre… et cela impacte directement les espèces aquatiques et semi-aquatiques, leurs conditions de migration, de reproduction, et d'alimentation. Le maintien des zones naturelles restantes et la restauration des fonctions naturelles du Danube sont donc une priorité pour nous, au WWF.
©Matevž Lenarčič
Commerce illégal et prises accessoires dans le Danube
Les menaces environnementales ne sont pas les seules à rendre la vie des esturgeons difficile. Bien que les esturgeons sauvages soient officiellement protégés par tous les États qu’ils traversent, la pêche illégale se poursuit.
En 2021, notre étude montrait que 30 % 145 échantillons de caviar analysés - issus de Bulgarie, Serbie, Roumanie et Ukraine - étaient illégales. 27 échantillons (19 %) provenaient d'esturgeons sauvages, et 17 étaient du caviar vendu en violation des règles de la CITES.
Pourquoi ? Le caviar est compact, facile à dissimuler et extrêmement précieux : cela facilite son commerce illégal. En plus, les consommateurs restent en demande de caviar sauvage, considéré comme « supérieur » au caviar d'élevage.
Comme si cela ne suffisait pas, ces poissons préhistoriques sont aussi capturés accidentellement - dans les filets visant à capturer d’autres espèces telles que l'alose, la carpe ou le sprat. Ils ne sont souvent ni relâchés ni signalés, et ce malgré les exigences légales.
©Hartmut Jungis / WWF
En action pour le Danube et ses dinosaures
Vous l’aurez compris, les menaces qui accablent cet ancêtre ne manquent pas. Mais au WWF, sa survie est une priorité. C’est pour cela que nos projets pour protéger ce poisson, certes moins mignon qu’un panda, mais d’importance capitale pour son milieu, se multiplient.
En Bulgarie, en Hongrie et en Roumanie notamment, nous luttons contre l’extraction de sable, mettons en place des solutions « vertes » contre les inondations et préservons l’écoulement encore libre des petites rivières vierges.
Contre le braconnage, nous cherchons à impliquer activement les pêcheurs dans la conservation des esturgeons, et luttons pour un renforcement des réglementation et de la traçabilité du caviar.
Enfin, nous avons pour projet dans les années à venir de libérer 900 000 juvéniles (= jeunes) de trois espèces d'esturgeons migrateurs dans le Bas-Danube. En effet, le nombre d’esturgeons restants dans le Danube n’est pas suffisant pour garantir le rétablissement durable de leurs populations. Afin de les sauver de l'extinction, Ces juvéniles seront issus de l'élevage en captivité : le but est de sécuriser leur patrimoine génétique pendant leur captivité, et de libérer des petits aptes à survivre dans la nature.
©Ante Gugić